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En 2000, lorsque je suis arrivé à la présidence du Locarno Film Festival, Locarno était un festival de modeste envergure, avec seulement une demi-douzaine de collaborateurs à plein temps. La tâche qui nous attendait était loin d'être simple, car à la question la plus pressante – quel Festival voulons-nous bâtir, un événement touristique ou une manifestation culturelle ? – le gouvernement et le Grand Conseil avaient répondu clairement : s’inscrire dans la continuité et offrir un événement culturel de très grande qualité, qui puisse incarner aux yeux du monde l'engagement de la Suisse en faveur de l'art et de la culture cinématographique. Depuis, j’ai consacré toute mon énergie à promouvoir le rayonnement et la pérennité de Locarno, afin de propulser – puis de maintenir – la manifestation parmi les dix principaux festivals de cinéma au monde.
En 23 ans, le monde a changé et le cinéma aussi. Les nouvelles technologies se sont imposées, bousculant les modèles du passé et propageant de nouvelles habitudes de consommation culturelle. Face à ces transformations, il m’a paru de plus en plus évident que même après avoir remporté de jolis succès et accompli de grandes choses, nous arrêter et nous complaire dans l'immobilisme serait absolument fatal. C'est ainsi que Locarno est devenu un organisme bouillonnant et en constante mutation, capable d'absorber, avec une ouverture d’esprit exceptionnelle et le souci réel d’incarner le présent et le sens de l’histoire, les innovations les plus vertueuses, tout en s’érigeant en référence notamment grâce à ses expérimentations dans les domaines du numérique et de la formation.
L'essor d’une multitude d’événements cinématographiques à travers le monde a également été un puissant moteur de mobilisation pour notre équipe, qui a pris à cœur l'objectif commun d’atteindre et de préserver le prestige de Locarno sur la scène mondiale. En économie, la promesse est une proposition qui distingue un organisme ou un service de ses concurrents. Depuis 1946, la promesse du Locarno Film Festival est d'être un festival libre, défenseur des valeurs humanistes des Lumières, comme la dignité humaine, la liberté d'expression et le respect de l'individu. Locarno est un lieu où le directeur artistique a une liberté totale, avec une programmation visant à révéler des pépites et des talents rares, même lorsque leur émergence est entravée par un climat politique ou une réalité économique difficile. Afin de garantir cette indépendance artistique, il était essentiel d’instituer une direction opérationnelle, assurée par l'actuel Managing Director, chargée de veiller aux autres aspects fondamentaux de l'organisation d'un grand événement culturel.
À Locarno, le changement a aussi un visage profondément humain, car ma fonction m'a permis de travailler avec des personnes dont les enfants, puis les petits-enfants ont, à leur tour, rejoint l'équipe du Festival, dans un passage de témoin intergénérationnel toujours avec une empreint d'enthousiasme et de passion, qui m'a fait prendre conscience de la force de ce qui est, au contraire, resté identique. Le fait que le cinéma puisse encore créer un sentiment de communauté, élargir les horizons et nous rendre – peut-être – meilleurs, me fait envisager l'avenir avec confiance. Et je me réjouis d’appliquer la devise des patriciens bernois, « servir et disparaître », en sachant que je laisse derrière moi un Festival au potentiel de développement immense.
Marco Solari
Président Locarno Film Festival